A PROPOS DE CURRO
BIENTÔT L'ETE
Par Alain LAVAUD
C’est à peu près
ce qu’entendit Curro Romero au cours de l’une de ses
toutes premières corridas, il y a fort longtemps de cela,
alors qu’il entreprenait une longue, fluctuante et glorieuse
carrière, au début des années cinquante. L’aficionado
enthousiaste qui s’affirmait ainsi à haute et intelligible
voix, voulait signifier par là, tandis que le torero se
traînait dans l’apathie, qu’il ne convenait pas de
désespérer et que bientôt les belles journées de l’été
reviendraient enchanter de nouveau les amateurs par l’expression
d’un art inimitable. Ce cri, Curro le réentendra souvent au
cours de sa carrière, agrémenté de beaucoup d’autres
variantes spirituelles et plaisantes mais aussi d’insultes,
d’imprécations et d’avertissements vengeurs "Curro,
je te hais ! ", ou encore "Curro,
apprends !", tandis que l’un de ses confrères
accomplissait dans l’arène une faena de qualité après qu’il
eut lui-même sombré dans la débâcle.
C’est que l’on entre en currisme (on
disait autrefois romerisme) comme on entre en religion. Il n’est
de plus grand péché que celui contre la foi et l’espérance.
Or, le curriste convaincu —ou converti— sait que son idole
est un torero absolument unique en son siècle et probablement
dans l’histoire, et qu’il ne faut jamais, au grand jamais,
désespérer, même après l’avoir vu toréer seize fois de pitón
a pitón —comme il l’explique de si lumineuse façon—
et massacrer trente-deux toros, ce qui fut mon cas, avant d’être
renversé par l’éblouissement d’une faena apollinienne,
sur mon personnel chemin de Damas.
Le toreo comme tous les arts est ainsi; il
jaillit de temps à autres. Et il en est heureusement ainsi
car si ce jaillissement se produisait tous les jours, ce ne
serait plus de l’art, affirme Curro.
Un juge andalou n’a-t-il pas très
officiellement décidé que le currisme était un sentiment
profond, une façon de concevoir la vie ? En 1996, l’employé
d’une entreprise d’assainissement se prit violemment de
bec avec un client qui insultait Curro devant lui. L’employé,
Domingo Ruiz Florencio, fut mis à la porte et perdit son
travail. Il en appela alors aux tribunaux, et le magistrat
imposa la réadmission du plaignant, avec indemnisation,
précisant formellement dans son arrêt que ce sentiment
curriste était avéré et manifestement désintéressé, plus
enraciné et profond qu’aucun autre, source d’une joie
permanente, d’une inconditionnelle espérance et d’une
façon de concevoir la vie; il ressortait de cet attendu
que le currisme exigeait le plus grand respect de la part
de ceux qui le partagent, comme de ceux ne le partageant pas,
et que lorsqu’on venait à lui manquer, une réaction
ardemment défensive, de la part de celui qui se considérait
offensé, était à prévoir. [N.D.L.A. Traduction
approximative et très peu juridique des minutes du procès.]
Curro Romero est, une fois de plus, d’actualité
en cette veille d’inauguration de temporada sévillane
les éditions Planeta ont sorti au début de l’année,
l’autobiographie du maestro sous la plume de l’excellent
écrivain Antonio Burgos qui, au-delà de ses qualités de
romancier et de journaliste d’audience nationale, est le
prestigieux chroniqueur de cette métropole méridionale.
C’est à la première personne qu’Antonio
Burgos fait parler le maestro qui égrène soixante-six
années de souvenirs dans un style qui reproduit avec
justesse, et une infinie tendresse, le ressassement, les
répétitions que l’on retrouve assez communément dans le
discours des êtres simples et spontanés qui n’ont pas
reçu de formation académique. Attention !Il s’agit de
simplicité et de spontanéité sans fards, car l’intelligence
et la finesse sont d’une permanente présence et emportent
à chaque ligne l’adhésion. Il n’est pas question ici de
résumer trois-cent-quatre-vingt-quatre pages d’un texte
dense et captivant, mais d’affirmer qu’après cette
lecture personne ne pourrait s’empêcher de se sentir
partisan d’un homme si touchant et sincère. Curro est un
homme bon. Curro est un homme honnête. C’est aussi un
honnête homme. Jamais dans ses propos la moindre rancœur, la
moindre médisance, le plus petit reproche. A peine
soupçonne-t-on qu’il exècre la police qui l’a
profondément humilié du temps du dictateur comme après la
transition, et qu’il n’a que très peu de goût pour les
militaires chez lesquels il a perdu en tâches obtuses un
temps pour lui, alors, précieux.
Mélange de confessions ou de manifestes
qui ne tournent jamais à la justification de ses débâcles
mais qui expliquent sa nature et ses comportements, recueil d’anecdotes
pittoresques ou émouvantes ce livre se lit d’un trait.
J’ai toujours eu l’impression de bien
faire les choses. Si tu ressens une chose, que tu ne peux la
réaliser, et si tu te laisses entraîner par les autres, tu
es fichu. Si tu n’as pas de personnalité tu n’arriveras
nulle part. Il faut toujours être cohérent avec soi-même. Autrement
dit je ne forcerai jamais ma nature.
Pour moi l’argent n’a jamais eu d’importance..,
il ne fallait pas que les imprésarios puissent me manipuler
pour ne pas faire quelque chose que je ne ressens pas. Les
oreilles n’ont pour moi aucune importance.., cette histoire
d’oreilles à couper coûte que coûte, cela m’est
égal... Je ne peux pas trahir mes sentiments et ma manière d’être.
De toutes les formes de toréer.., c’est
celle d’Antonio Ordoñez que je préfère… j’en ai vu d’autres,
des courageux, des combatifs qui exposaient... mais c’est
vers le style d’Ordoñez que je penche... Il s’agit d’un
art, de sa grandeur et non pas d’une guerre...
A la veille de son mariage avec Concha
Márquez Piquer, la fille du torero et de l’universelle tonadillera,
le 5 octobre 1962, il est pris à Zafra par un toro de
Saltillo qui appartenait alors à Félix Moreno de la Cova, La
blessure est cruelle, en plein dans l’aine, On l’emmène
à l’infirmerie, on le déshabille pour l’opérer... la
table d’opération, bancale, n’avait que trois pieds ! On
m’installe, poum, je tombe par terre avec la table
par-dessus, poum, le coup de corne et la table en plus...
Pepito Cámara, qui s’occupait alors de moi, s’approche et
me dit, tu sais il me semble que l’on ne peut pas t’opérer
ici, on devrait te recoudre et foncer vers Séville. Il n’y
a même pas d’anesthésie. Bon ! Eh bien qu’on me
recouse et filons ! Et ils m’ont cousu, à vif, toute l’aine.
A vif, sans anesthésie, sans rien. Et on le ramène à
Séville couché par terre, dans la voiture, avec la couture,
et tout, sans anesthésie… C’est la cornada dont j’ai
le plus souffert au cours de ma vie.
C’était en 1968. Il se trouvait à
Séville, à l’hôtel Colón en compagnie de sa femme, de
ses filles et de ses beaux-parents. Pendant la nuit il entend
des bruits, Un tremblement de terre ! Et dans tout l’hôtel
les gens se mettent à hurler un tremblement de terre ! Un
temblement de terre! On court dans tous les sens... J’abrège.
Et ce que je fis alors, au lieu de me mettre une robe de
chambre que j’avais là, tellement j’avais peur, ce fut de
prendre une cravate et de sortir dans le couloir de l’hôtel,
rien qu’avec la cravate, dans le style de Cantinflas,
complètement nu, mais avec une cravate autour du cou, comme s’il
s’était agi d’une écharpe. Allez donc savoir ce qui m’avait
pris ? Et Concha Piquer qui se trouvait déjà dans le couloir
avec Antonio Márquez me voit arriver, complètement nu, avec
la cravate autour du cou, et me dit Curro où vas-tu donc avec
la cravate et la bijouterie à l’air ? Je suis alors
retourné dans ma chambre, j’ai enfilé le vêtement, Et j’ai
caché la bijouterie trois pièces.
La mère du roi, la comtesse de Barcelone
était —on le sait— une curriste inconditionnelle. Un jour
où Curro n’avait pas été bien, les aficionados qui
avaient emporté des brins de romarin les jetèrent par
brassées à un autre torero qui venait de triompher et
faisait son tour de piste. Madame, Madame, fait-on
remarquer à l’altesse royale, le public qui avait
apporté du romarin pour Curro est en train de le jeter à tel
autre torero ! Et Doña Maria, en bonne curriste, de
répondre Non, non, ce n’est pas du romarin, c’est du
chiendent !
Tout au long de ces pages on rencontre des
personnages fameux, Camarón de la Isla, le roi Juan Carlos,
Lola Flores et Juan Belmonte, Rafael el Gallo, Manolo Caracol,
Chicuelo et Pepe Luis, Domingo Ortega et Franco, Gregorio
Corrochano, Orson Welles et Ernest Hemingway... Curro Romero,
par la plume d’Antonio Burgos, a une anecdote à raconter
sur chacun, rappelle un souvenir ému ou plaisant, Mais c’est
au contact de la foule anonyme, des amis d’enfance, de tous
les individus mal identifiés, des aficionados modestes de
Camas et d’ailleurs, qu’apparaît la timidité et l’authentique
modestie de cet être d’exception. Et c’est dans sa
passion pour la mer et les promenades solitaires sur la grève
que cet honnête homme prend toute sa dimension.
Les anecdotes sont nombreuses et
succulentes. L’avenir nous en réserve encore un bon nombre
car le maestro ne cache pas qu’il toréera… tant qu’il
le pourra. C’est bien simple il ne saurait vivre sans cela.
Or, il mène une vie saine et jouit d’une excellente santé.
Qu’on se le dise ! Il y aura encore beaucoup à dire, à
écrire, à lire et à voir. Si les lecteurs de Toros sont
sages et le veulent bien, nous le leur raconterons bientôt...
en attendant l’indispensable traduction d’une biographie
indispensable.
Alain LAVAUD.
L’article ci-après nous avait été
adressé par Adrien Chastelas " Calendau " au début
des années 80, comme on le constate à certains détails du
texte; cet article ne fut pas alors publié dans Toros, Nous
n’y avons pas touché bien qu’on puisse l’actualiser. Il
nous permet de rappeler le souvenir de son auteur, né il y a
cent ans et décédé en 1991. Revistero à La Corrida, de
Marseille, en 1932, il termina sa carrière au Méridional toujours
de Marseille. Bien que n’étant pas un collaborateur
permanent de Toros, il écrivit pour notre revue divers
articles. Il laissa deux ouvrages : De Belmonte au
Cordobés (1971) et Récits et contes au soleil (1985),
Ce fut un aficionado torista convaincu, défenseur de l’intégrité
du toro et pourfendeur des fausses valeurs, ce qu’il afficha
dans tous ses écrits.., y compris dans les colonnes d’un
quotidien, ce qui n’était pas plus facile alors qu’aujourd’hui.
Pierre DUPUY.
IL N’Y A PLUS
QUE DES TOREROS
"CORTOS "
par Adrien Chastelas " CALENDAU"
Voyons d’abord ce qu’est un torero corto,
Par une lapalissade, on pourrait dire tout simplement que
c’est le contraire d’un torero largo; ce ne serait
là qu’une plaisanterie qui n’expliquerait rien. Pour
avoir une indication exacte il n’est qu’à se reporter à
Claude Popelin qui, dans son ouvrage La Tauromachie nous
enseigne ce qu’on doit entendre par torero corto.
" C’est tout torero qui, par
nonchalance ou par la limitation de ses dons naturels,
restreint son répertoire de suertes à un nombre peu élevé
de passes essentielles la véronique, la demi-véronique,
voire la chicuelina à la cape; les passes naturelles et
droitières, celles de poitrine et celles aidées par le haut
et par le bas, à la muleta.
Cela Popelin l’écrivit en 1970. On peut
affirmer aujourd’hui que ce court répertoire s’est encore
réduit depuis car on ne voit plus guère des "aidées
par le haut" et "par le bas" ! Le grand
critique ajoute "Sa constance à les perfectionner [les
passes] et à en tirer le plus d’émotion possible tout
en leur conférant une originalité personnelle, fait surtout
de lui [le torero corto] un artiste du troisième
tiers. Citant à courte distance, toréant toujours de près,
s’appliquant à lier les passes en rond, son objectif est de
rechercher de la sensation plus que la domination de la bête.
Aussi ne donne-t-il pleinement sa note que devant les
adversaires ne venant ni trop vite ni trop fort et ne
présentant pas de réelles difficultés. De là àse les
assurer d’avance dans le choix du bétail, il n’existe qu’un
pas vite franchi par les tenants du genre. "
Nous pourrions ajouter à ce magistral
portrait du torero corto que celui-ci cite et torée
généralement de profil, qu’il ne se croise presque jamais
avec le fauve et qu’il charge rarement la suerte. Et
c’est fort justement que Popelin a dit que ce type de torero
"recherche plus la sensation (c’est-à-dire
" composer la figure ") que la domination ".
Avec la mort de "Paquirri" a
disparu le dernier des toreros largos; "Antoñete"
a jeté ses ultimes feux; il ne reste plus que des toreros
cortos aux suertes standardisées, lassantes à
force de se répéter et qui ne passent la rampe que lorsque
le maestro a une forte personnalité artistique ou un
dynamisme percutant.
Est-ce à dire que l’actuelle toreria ne
compte point de maestro capable de sortir de cette ornière ?
Certainement pas. Les Manzanares, les "Niño de la
Capea", les José Antonio Campuzano, les Victor
Mendes, les "Espartaco" et quelques
autres sont probablement des toreros largos en
puissance. Mais ils sont ancrés dans un mode facile de toreo
et se refusent à pratiquer l’ingrat travail de dominio
devant un adversaire difficile. On préfère baisser les
bras... surtout quand les gradins crient " Mata
lo !/ Mata lo !".
Alors il nous vient à l’esprit l’image
d’un Jaime Ostos qui ne fut jamais un grand dominateur de
toro mais qui, lorsque le sorteo lui était
défavorable, ce qui lui arrivait fréquemment, se battait
farouchement avec son adversaire dans un affrontement où, à
défaut de science dominatrice, intervenait un courage énorme
qu’animait une rare vergüenza. Mais cela n’est
plus de notre temps, n’est-ce pas ?
CURRO ROMERO,
TORERO CORTO... CORTISIMO
Par Joël Bartolotti
Dimanche de Pâques 2000. Curro va une
nouvelle fois faire le paseo à Séville, et
espérons-le, pour ses admirateurs impénitents, algunas
cositas más.
L’homme de Camas, qui a déjà derrière
lui plus de quarante années de matador est, à mon avis, l’exemple
même de ce que peut être un torero corto. Il est
même le plus corto entre les cortos Nos
lecteurs pardonneront ma témérité et me permettront à ce
titre d’émettre une opinion quelque peu différente de
celles éminentes de Claude Popelin et "Calendau".
Je m’y risque donc, moi l’humble
camarguais, dussé-je encourir les foudres des parisiens et
des marseillais pour une fois d’accord !
Si la définition traditionnelle du torero corto
correspond à mon sens pleinement à celle de Claude
Popelin, c’est-à-dire au professionnel court de
répertoire, limitant et privilégiant les suertes (la
véronique et la demie au capote, les "3
passes" à la muleta -naturelle, derechazo, pecho- le
volapié ou ses succédanés à l’épée) et ayant
totalement oublié l’usage des banderilles. Par contre, les
considérations des deux grands auteurs selon lesquelles le
torero corto recherche "plus la sensation que la
domination de la bête" (Popelin) ou préfère
"composer la figure" que dominer ou citer et toréer
généralement de profil" (" Calendau "), me
paraissent trop systématiques.
S’il existe, en effet, des toreros cortos
répondant à cette juste critique, il en existe aussi,
hélas !, des largos qui la mériteraient.
Que les toreros largos (malgré un
petit renouveau), c’est-à-dire, pour faire court, ceux qui
savent tout faire en piste et usent d’une grande variété
de suertes et passes, soient de plus en plus rares est
un fait navrant que nous déplorons tous, du moins je l’espère.
L’appauvrissement d’une discipline n’est jamais une
bonne chose. Juan Belmonte fut le premier matador à imposer
cet ordre nouveau et irrésistible hélas !, dès 1913. Il fut
et demeure l’incontestable fondateur du toreo moderne.
Physique oblige, il fut une des rares figures de son temps à
ne pas banderiller et inventa entre autres, dans un accès de
modernisme, la coleta postiche abolissant le symbole
des toreros antiques. Il fut pourtant un torerazo de
dimensions exceptionnelles bien que corto ! Qui oserait
le nier aujourd’hui ?
Il existe donc, heureusement, des toreros largos
savants, encyclopédistes et docteurs de la fiesta, à
l’évocation du souvenir desquels l’aficionado s’émerveille
encore, de Pedro Romero de Ronda à Julián López "El
Juli ", en passant par les trois magnifiques Rafaeles
"Lagartijo" (flanqué du superbe Frascuelo "),
"Guerrita" et "El Gallo ", l’inégalé
colosse de Gelves, "Gallito ", puis Marcial Lalanda,
Antonio "Bienvenida", Luis Miguel
"Dominguin", Angel Teruel et "Paquirri
". ! Vaya cartel !
Mais il en existe aussi des cortos qui
marquèrent d’une égale empreinte l’histoire du toreo et
qui ne furent pas précisément superficiels. J’ai nommé
Belmonte donc. J’y ajouterai volontiers
"Chicuelo", Domingo Ortega, "Cagancho",
Pepe Luis Vázquez, Antonio Ordoñez (plutôt largo à
ses débuts et réduisant au fil du temps son répertoire à
la quintessence), Paco Camino (pourtant proclamé "Niño
sabio") et surtout "El Viti" au
classicisme le plus dépouillé. Je mettrai également dans
cette liste non limitative Paco Ojeda, "el último
crack" et le Curro de Séville, incombustible et
intemporel, plus "Antoñete" et Manolo Vázquez.
Il me paraît donc vain d’opposer le
torero corto au torero largo car il en est de
supérieurs dans les deux catégories, nous venons de le voir.
Certes "Manolete", autre exemple
de torero corto, imposa le toreo de profil, tout
comme ses successeurs et imitateurs à mon sens visés par
"Calendau".
Plus près de nous, "Espartaco"
joua savamment du pico et Manzanares (tous deux cortos)
de la muleta hacia fuera. Ils furent néanmoins
deux figures reconnues.
Ce sympathique garçon nommé "El Soro
", classé pourtant chez les largos, n’a jamais
incarné à mon sens la pureté absolue du toreo !
Si corto doit aussi signifier
superficiel, l’appellation doit alors s’appliquer à toute
une génération de figuritas récentes
("Jesulín", "Litri" (II), Chamaco "
(II) et Manuel Díaz "El Cordobés" (II). Ces
réflexions ne m’empêcheront pas de regretter vivement, je
le répète, la quasi disparition des toreros largos, qui
va souvent de pair avec la monotonie et la tyrannie du derechazo.
Mais, de nos jours, ont pu régner ou règnent encore d’estimables
toreros... cortos comme Rincón le preux, Ponce le
savant, ou Tomás le stoïcien.
Trois matadors contemporains et bien
esseulés me paraissent toutefois mériter encore le
qualificatif de largos:
José Miguel Arroyo "Joselito",
Luis Francisco Esplá et le "Juli ". A propos d’Esplá,
je mentionnerai une suerte (inédite pour moi) qu’il
exécuta jadis à Bilbao à un toro de Fraile, une sorte de larga
assis sur l’estribo. Je n’ai plus jamais rien
vu de tel. Curro Romero, qu’on dit inclassable, est
assurément aussi inimitable que corto. Sa véronique,
sa demie et son kikiriki passeront à l’histoire tout
autant que ses innombrables débâcles. Si Romero est une
"maladie typiquement sévillane", comme l’écrivit
naguère un grand critique espagnol, force est d’admettre qu’on
l’aime aussi à Madrid. Comme tant d’autres, je puis
témoigner de ces deux faits, ayant eu, en outre, le
privilège de voir le "pharaon" couper ses
dernières oreilles en ces deux augustes lieux. L’équité m’oblige
cependant à rapporter un autre souvenir de Curro, celui de
son arrestation à la fin de la course pour trouble de l’ordre
public et conduite inadmissible. C’était à Bilbao en 1980.
Il y est, depuis, indésirable. Ce fut un grand moment parmi
tant d’autres de la mythologie curriste !
Peut-être convenait-il de rappeler tout
cela pour éviter d’être taxé d’aficionado aux idées...
cortas !

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